La grenouille qui veut apprendre à chanter (M.L. Vert)





Ce matin, Floc, la plus jolie des grenouilles, était tout heureuse de vivre. Elle avait gonflé son cou et s’était mise à chanter : «Coa ! Coa !».


«Tu chante mal», lui avait crié le pinson en sautillant sur le sentier !


Son contentement tomba d’un coup. Dès lors, elle écouta les chanteurs d’alentour : les alouettes du matin, la mésange à tête noire, le joyeux pinson. Un soir, elle entendit le rossignol. Alors, elle devint triste. Elle comprit qu’en effet elle ne savait pas chanter.

Je vais chercher un professeur, décida-t-elle.

Et elle quitta les abords de la mare.

  • Où vas-tu, Floc ? demandèrent les autres rainettes.

  • Je vais apprendre à chanter ! Je chante mal ; on me l’a dit. Mais j’apprendrai !

Les roseaux la saluèrent de grandes courbettes, quand elle passa ; et les saules du bord de l’eau se dirent qu’après tout cette voix de canard n’était pas agréable, et que Floc avait peut-être raison d’aller apprendre à chanter.





Elle s’en fut trouver le rossignol :

  • Je ne prends pour élèves que les autres rossignols. Nous sommes des artistes. Va donc voir le merle.


Le merle était en tenue de soirée : habit noir à queue, il avait l’air d’un chef d’orchestre.

  • Voyons ce que vous savez faire, Floc ? Sifflez cet air : u-i, ui, ui !

  • Côa ! fit la grenouille.

  • Non, la voix n’est pas belle ! Je ne prends pas les débutants. Il faut d’abord qu’on vous exerce : après, nous verrons. Allez voir la mésange ou le pinson.


Or la mésange ne donnait pas de leçons. Elle chantait pour elle, pour son plaisir. Quant au pinson, il n’avait pas le temps, il préparait un nid.


Floc se décourageait ; le moineau qui sait tout lui cria :

  • Va donc voir le crapaud, il est un peu de ta famille ; il ne fait pas de roulades, il répète tout le temps la même note. Elle est jolie, cette note : on dirait le son d’un verre de cristal. Il t’apprendra toujours cela...



Floc alla chez le crapaud. Il habitait derrière une grosse pierre. Il n’était pas beau. Il ressemblait à une grenouille lourde, courte, enflée, et qui aurait été pleine de verrues. Pourtant, il était très bon. Il voulut bien essayer de rendre service à Floc.



Il s’assit en face d’elle, et la leçon commença :

  • Ecoute bien, tu feras comme moi : tu-u !

Floc gonfla sa gorge et essaya : «Coa-a !»

  • Non, plus haut : tu-u ! tu -u !

La grenouille essaya, pleine de bonne volonté, mais il sortit un affreux co-a ! Si bien qu’elle repartit sans avoir rien appris. Elle retourna à sa mare. Ses soeurs lui firent fête !

  • Sais-tu chanter, maintenant ?

  • Non, dit Floc, je n’ai pas trouvé de bon professeur. Pourtant j’aurais aimé avoir une belle voix.

  • Pourquoi te faire tant de soucis ? Chacun chante ce qu’il aime, le soleil, le clair de lune ou la pluie, avec sa voix de cigale, de rossignol ou de grenouille ! Qu’est-ce que cela fait ? L’essentiel est d’y mettre tout son coeur et toute sa joie ! Regarde ce gros nuage qui s’avance, il est tout gonflé de pluie... Viens, nous allons faire un beau tapage dans notre mare, pour le fêter !

La jolie rainette joignit sa voix à celles de ses compagnes et, bientôt, tout doucement, le contentement revint dans le petit coeur de Floc.


M.L. Vert (Contes de Perrette)